Francouzská verze rozhovoru Hany Veselé s Noëlle Revaz
Román Noëlle Revazové "Rapport aux bêtes" vyšel v prestižním pařížském nakladatelství Gallimard a setkal se s obrovským úspěchem jak u čtenářů, tak i literární kritiky.
H.V.: Comment a changé votre vie apres le succes énorme de votre livre?
Noëlle Revaz: Elle a changé vraiment beaucoup. Il n'y a que des chose positives qui m'arrivent maintenant. J'ai rencontré énormément des gens qui s'intéressent aussi a la littérature. J'ai des commandes de texte ce qui me permet de gagner un peu d'argent meme si c'est assez difficile quand le sujet m'est imposé, parce que je n'aime pas les contraintes. Je suis aussi souvent invitée a faire des discussions dans les écoles dont les professeurs veulent choisir le livre pour la maturité, par exemple.
Comment les éleves perçoivent votre livre?
Il y en a qui l'aiment vraiment beaucoup, mais il y en a qui m'ont fait le reproche que la langue que j'utilise dans le livre est un peu trop savante et que cela casse l'effet naturel. Mais j'ai voulu que le langage soit un peu artificiel, une vraie création littéraire.
Mais beaucoup des gens ont entendu dans votre texte un écho d'un vrai accent valaisan…
Je n'aime pas qu'on interprete mon texte comme un retour au régionalisme. Les gens se disent que parce que j'écris sur un paysan et que je suis valaisanne mon personnage principal doit forcément etre un paysan valaisan. Mais pour moi, ce n'est pas du tout un paysan valaisan, vaudois ou tcheque, c'est un paysan universel qui peut exister partout. C'est pour cela qu'on trouve dans le langage parlé de Paul (le personnage principal) non seulement des mots suisses mais aussi des mots français. Par exemple j'ai utilisé parfois le mot "la bouse", typiquement français, parfois "la beuse" qui est romand. Ou "président de commune" qui est typiquement valaisan. J'ai brouillé un peu des pistes pour qu'on ne sache pas trop d'ou vient ce paysan. Pour le paysage c'était la meme chose, je n'ai pas parlé de montagne mais de collines, ainsi l'histoire peut se dérouler n'importe ou.
Avez vous fait des recherches pour le langage parlé que vous utilisez?
Au départ j'ai pensé que c'était mon invention mais je me suis rendu compte que je ne suis pas partie de rien, et que j'ai utilisé mon expérience de gens que j'ai pu voir dans mon enfance en Valais. C'était un matériel qui était en moi et je l'ai retravaillé, recréé pour en faire quelque chose qui n'existe pas en réalité mais qui, en meme temps, ressemble a quelque chose qui existe. Quand j'écrivais, je n'ai pas du tout vu le paysan valaisan. Mais on n'échappe pas ses racines. En réalité je suis partie ce que j'ai connu, ce que j'ai perçu dans ma jeunesse en Valais- des paysans rudes avec une certaine machisme envers les femmes meme si on trouve ces types de gens un peu partout.
Pensez-vous que les misogynes comme Paul vont disparaître un jour?
Je suis assez pessimiste. Il en restera toujours quelque chose. Meme en Occident, des qu'on s'éloigne un peu des villes, on entend des choses assez incroyables sur les femmes. Dans le monde arabe ça fait meme partie de la culture. Mais la misogynie n'est pas gratuite dans la société. A l'époque il existait un certain équilibre - l'homme allait a l'extérieur et la femme s'occupait de la maison, elle restait a l'intérieur. C'était elle qui commandait et l'homme lui obéissait, meme s'il donnait la vision a l'extérieur que c'était lui. Maintenant cela ne peut plus marcher, la femme veut faire tout ce que fait l'homme et l'homme ne veut pas faire ce que fait la femme, il y donc un déséquilibre. La misogynie est souvent un résultat de la peur, d'une mauvaise compréhension. S'il existe encore des misogynes, c'est souvent par manque de réflexion.
Pensez vous que les femmes doivent se battre pour l'égalité avec les hommes?
Il faut se battre pour certaines choses mais je ne suis pas tellement pour ce mouvement féministe militant. La société est formée par des femmes ainsi que par des hommes, il ne faut pas se battre l'un contre l'autre. Les choses ne peuvent avancer que par la compréhension. Mais en Suisse il y a tout de meme une chose qui me surprend beaucoup, c'est l'inégalité des salaires, dans certaines banques, par exemple. En Suisse on a peut-etre quand meme encore la mentalité de campagne, dans certains domaines on reste assez traditionnel.
Et Paul est une bonne représentation de cette mentalité…
J'ai vu Paul comme un personnage assez rude alors je me suis dit tout de suite "c'est un fermier", on peut croire qu'un fermier peut effectivement etre si rude, si brutal et si grossier. On connaît tous le cliché, la caricature d'un paysan qui vit dans sa ferme, qui ne sait pas tres bien parler, qui tape les betes, les enfants. J'ai alors travaillé avec ce cliché-la mais en meme temps je me rendais compte que ce qui m'intéressais dans ce livre était le rapport entre l'homme et la femme et que cette misogynie peut exister dans toute les couches de la société. Mais, par exemple, avec le personnage d'un banquier, je n'aurais pas pu donner ce caractere-la, forcer le trait, exagérer pour faire réagir, pour frapper le lecteur. Mais cet aspect misogyne peut existe dans n'importe quel milieu.
Vous connaissez un certain Paul?
Non, je n'ai jamais perçu la misogynie a ce point-la, je n'ai jamais été dans cette situation meme si les gens parfois pensent : " cette femme qui a écrit ce livre a du vivre des choses terribles ". Mais il y a tout simplement des hommes qui méprisent les femmes et les femmes se sentent solidaires, elles sentent une tres forte injustice. J'ai ressenti tout ça autour de moi et le livre en est la somme.
Sur la bande du livre il est marqué "tyrannie conjugale". Pensez-vous qu'il existe une maniere de lutter contre ce genre de tyrannie?
C'est tres difficile. Quand dans un couple il y en a un qui a pris l'habitude de commander et l'autre d'obéir, tous les deux sont malheureux, c'est un cycle infernal, ça doit etre difficile de sortir de son rôle. Il faut quelque chose d'extérieur a mon avis.
Vous croyez aussi a un mariage heureux?
Oui, je crois, mais a certaines conditions. La condition pour un couple heureux c'est la liberté, quand chacun est libre d'etre lui-meme. Les deux parties de couple doivent partager leur vie mais sans avoir d'attentes vis-a-vis de l'autre. C'est pour ça je pense qu'il est important que la femme travaille parce qu'une femme au foyer va forcément concentrer toutes ses frustrations sur son mari, ce qui va créer un déséquilibre. La femme doit aussi avoir son monde a elle. Mais il y des femmes qui arrivent vivre comme ça, ça dépend de caractere. Il faut se laisser une liberté totale meme si c'est difficile de pas etre possessif.
Comme Paul avec ses betes…
Justement, parce que c'est trop facile, il fait ce qu'il veut avec ses betes. Il peut bien dire qu'elles l'aiment mais on ne saura jamais si c'est vrai ou pas, les vaches peut-etre ne l'aiment pas mais elles ne peuvent pas le dire.
Paul éprouve un certain type d'amour pour ses betes mais pas pour sa femme. Georges, par contre, il sait tres bien comment en parler. Ces deux hommes représentent-ils deux types d'amours masculins?
On peut dire que Paul, de côté de l'amour, a un vrai probleme, un probleme masculin. Il n'arrive pas a accepter la douceur, il se voit seulement brutal, il est verrouillé dans les modeles qu'on donne aux hommes - les modeles du guerrier, qu'il ne faut pas pleurer, etc. George a un côté féminin, il arrive a parler facilement des émotions, il parle de tout, pour lui il n'existe pas de tabous. En fait je me suis un peu moquée de Georges, j'ai fait de lui un porte-parole de la tendance qu'on a maintenant, on parle beaucoup de comment apprendre a communiquer, qu'il faut partager ses sentiments, c'est un sujet a la mode, c'est devenu une banalité, un lieu commun.
Paul a aussi un certain coté enfantin, dans sa maniere de juger des gens, par exemple, est-ce qu'un certain enfantillage est inhérent a la brutalité?
Oui, je pense. Je pense que quelqu'un qui réfléchit sur lui-meme, sur ces actions, qui ne reste pas au premier degré, il va comprendre que la brutalité n'amene rien, que ce n'est pas une bonne façon de se défendre, de se montrer dans la vie.
La vie de Paul semble assez réglementée ; la routine, la tradition, le devoir filial ou l'épouse joue un rôle assez important dans sa vie. Pensez-vous que dans la vraie vie les reglements devraient etre encouragés ou plutôt surmontés?
Dans le livre je montre qu'en fait ce n'est pas tres bien. Paul s'accroche aux reglements parce qu'il n'arrive pas a penser par lui-meme, donc il se donne des regles et il n'a pas besoin de chercher autre chose. Georges est completement le contraire, c'est un esprit libre et il vit tres bien comme ça. Dans la vie je pense qu'un minimum de principes c'est bien parce qu'autrement la société va mal. Avant on était dans l'exces de la religion dure et autoritaire et maintenant tout est possible et on doit trouver soi-meme ses propres limites.
On sent que Paul n'arrive pas a changer, malgré sa volonté. Est-ce que les gens peuvent changer seulement si on touche leurs sentiment profonds ou pourraient-ils changer de leur propre volonté?
Il y a toujours quelque chose, meme tout fin, qui nous fait comprendre quelque chose sur nous meme. Je pense que c'est toujours quelque chose d'extérieur, parce qu'on reste souvent enfermé dans soi-meme et qu'on n'arrive pas a prendre de la distance. Dans le livre il y la mort de troupeau mais aussi le départ de Georges et c'est a ce moment-la que Paul va essayer de mettre en pratique ce que lui a dit Georges. Mais finalement ça se passe mal parce qu'il va pour donner de la tendresse mais il viole carrément sa femme. C'est un échec et on se retrouve presque comme au départ, au début du livre. Seulement a la fin, il a une pensée gentille pour sa femme mais il n'arrive meme pas a la dire. Pourtant l'espoir est la.
Le nom de sa femme, Vulve, comment est-il né?
C'est un nom qui m'a posé pas mal des problemes parce que moi-meme je ne sais pas tres bien d'ou il vient. Au début j'ai imaginé deux personnes rudes, primitives, un homme qui n'avait pas de nom, et une femme qui s'appelait Vulve, c'était un point de départ. Le nom de la femme faisait partie de sa nature, de son caractere. Au travers de son nom on comprend tout de suite son rapport avec son mari, on comprend aussi que ce n'est pas une femme tres raffinée. D'abord j'ai prévu cette histoire pour la radio mais je me suis tout de suite dit que ce ne serait pas possible a cause du nom de la femme. Alors j'ai décidé d'écrire l'histoire pour moi-meme. Mais je comprends que les gens soient choqués par ce prénom, je me suis choquée moi-meme.
Pensez vous que le texte existe avant l'écriture?
J'ai un peu l'impression que le texte existe avant parce que quand j'écris j'ai tout a coup une espece de vision, de pressentiment, de phrase ou de paragraphe qu'il faudra que j'écrive. J'essaie de rattraper cette image mais comme c'est tellement rapide il faut beaucoup de travail pour arriver a trouver la façon juste d'écrire ce que j'ai vu d'abord. Il se peut qu'on n'y arrive pas. J'ai l'impression que cette histoire a existé déja avant et moi j'essaie de la rattraper, parce que je l'ai sentie et que j'essaie de la matérialiser, de lui donner des mots, de la rendre solide. En fait elle a existé déja en mots et je les ai fixés sur le papier le plus fidelement possible, j'espere. Je pense que je ne pourrais pas écrire sans cette impression-la, c'est une sorte de nécessité.
Vous avez prévu le roman d'abord comme une nouvelle, qu'est qui a fait qu'elle est devenue un roman?
C'était l'arrivé de Georges. Les trois personnages amenaient vraiment beaucoup de possibilité et de richesse. Au début j'ai pensé que la femme allait évoluer, qu'elle allait se relever a la fin, mais je ne pouvais pas le faire en dix pages. Les caracteres au départ sont tellement forts, tellement marqués qu'il faut continuer, autrement ce ne serait pas crédible. Je me suis attachée tout de suite a ces personnages, je les aimait beaucoup, et puisque je n'avais pas de raison de m'arreter, j'écrivais pour moi, je n'avais pas de délai, donc j'ai continué.
Est-ce vous avez vécu tout au long de l'écriture dans le monde de vos personnages ou arriviez-vous facilement a vous en détacher?
L'écriture du roman a duré trois ans et demi, parfois avec des grandes pauses de plusieurs mois, alors je n'ai pas vécu tout ce temps plongée dans cet univers. Mais chaque fois que je me remettais a l'écriture, je lisais quelques pages et je me remettais dans ce monde-la qui était tres dense. Au début j'étais tres proche du texte et des personnages mais apres, au fur et a mesure de l'écriture, j'ai pris pas mal de distance, de deuxieme degré, et je me suis beaucoup amusée a écrire cette histoire.
Est-ce que votre écriture était spontanée ou est-ce que vous y consacriez un moment précis dans la journée?
Mon écriture était impulsive, j'ai écris quand j'avais du temps libre. L'écriture est une activité assez difficile parce qu'elle nous coupe de la vie, et il faut choisir soit la vie sociale soit l'écriture. Mais je n'ai pas la discipline de se dire que je vais écrire tous les jours. Parfois quand j'avais les vacances, je prenais mon ordinateur et j'allais a la montagne ou j'écrivais trois jours. C'était vraiment bien.
Quels sont vos inspirations pour écrire?
C'est beaucoup l'observation. Depuis toute petite j'observe beaucoup des gens pour essayer de comprendre comment ils fonctionnent, qu'est qu'ils pensent. Je les observe et tout a coup il y a une situation de loin et j'y trouve quelque chose qui donne une étincelle, qui me fait rire, qui me touche. Ça peut etre peu de choses, un mot que quelqu'un dit et j'imagine quelque chose la-dessus. Parfois ça fait partie de moi, des émotions que j'ai eu. Je réfléchis sur ma vie, sur mon passé et ça me donne tout a coup des idées pour une histoire. Il m'arrive rarement de prendre des petites notes, mais quand je suis chez moi, pas dans la rue.
Vous trouvez l'inspiration aussi dans les reves?
J'aime beaucoup des reves mais cela a été rare que je parte des reves pour écrire une histoire. Ca m'est arrivé de raconter les reves de personnages dans plusieurs histoires, je m'imagine parfois que je fais un livre de faux reves, ou je raconte les reves.
Votre langage parlé est tres mélodique - est-ce que la musique influence votre écriture?
J'écoute beaucoup la musique, surtout de la musique classique, l'atmosphere peut m'inspirer. Par exemple quand j'écoute une symphonie, il y a juste quelques instruments qui jouent et apres il y a l'orchestre qui les rejoint, ça ressemble a la composition de l'écriture, on peut aussi jouer avec les structures comme ça. Oui, la musique m'inspire mais je n'écris jamais en écoutant de la musique.
Quel rapport avez vous a la langue?
Je pense que si j'écris c'est parce que je n'aime pas tellement parler. J'ai aussi un amour fou pour la langue française, j'ai un rapport tres matériel a la langue, je la considere comme une pâte que je travaille. J'ai commencé a écrire quand j'étais toute petite, j'ai regardé les mots comme des choses et j'avais l'envie de les travailler. J'ai regardé comment ça faisait si je mets un mot avant ou apres ou au milieu. J'écrivais une phrase, je l'écoutait comme elle sonnait dans ma tete. La langue n'est pas du tout quelque chose d'abstrait pour moi.
Quel auteur désigneriez vous comme votre alter ego?
Il y a un auteur que j'aime beaucoup, meme si je l'ai découvert seulement apres avoir écrit ce roman, c'est William Faulkner. Quand je l'ai lu, j'ai eu un vrai coup de cour.
Et de la littérature française?
J'adorais beaucoup d'auteurs mais je m'aperçoit que depuis mes études a l'université j'ai laissé tomber un peu la lecture des classiques français. J'avais besoin de voir d'autres choses. J'ai aussi l'impression que quand on écrit on a besoin d'etre soi-meme, il ne faut plus avoir de modeles. C'est pour ça j'ai mis du temps a arriver a trouver ma voix, j'étais un peu polluée par tous ces écrivains que j'admirais tellement et je n'arrivais pas a me distancier d'eux. Il a fallu les oublier. J'aimais beaucoup Marcel Proust, il y a un écrivain tcheque que j'aime bien aussi qui s'appelle Bohumil Hrabal. J'ai lu sa trilogie "Les noces dans la maison" et d'autres choses encore. Je l'aime beaucoup parce qu'il était completement libre dans son écriture, tres imaginatif, et tres amusant, toujours plein d'exagérations, il a un humour qu'on n'a pas ici, qui me fait beaucoup rire, et en meme temps beaucoup de tendresse. J'aime aussi bien Franz Kafka, Cesare Pavese…
Vous-meme, vous vous sentez appartenir a la littérature suisse romande, a la littérature française ou francophone?
En Suisse on a toujours un statut spécial, parce qu'on n'est pas français mais en meme temps on refuse de s'enfermer dans le ghetto de la Suisse romande. On est tres proche de la culture française, on lit les journaux français, il y a la télévision française, quand il y avait les élections françaises, on n'écoutait que ça, on se sent proche des français mais on est quand meme différents. Je dirais que je suis suisse romande mais je suis un écrivain francophone.
Il existe en effet deux groupes d'écrivains en Suisse romande, de véritables romands comme Jacques Chessex et Maurice Chappaz, et ceux qui sont plutôt considérés comme des Français (Philip Jaccottet, Bernard Comment). Quel groupe allez vous poursuivre?
Je ne pense pas aller jusqu'a m'établir en France, quoi que, la Suisse est tellement petite qu'on est vite a l'étranger. Mais je ne me réclame pas du tout comme écrivain suisse romand. Je sens que ma véritable patrie est la langue française plutôt que la Suisse ou la France. Je me sens attachée a cette langue et je me revendique de la langue française, c'est ça qui est important.
Les Suisses sont-ils patriotes?
Je ne sens pas un fort patriotisme en Suisse. Les Suisses sont toujours en train de se dénigrer, ils se disent toujours du mal d'eux meme, ils n'ont pas beaucoup de confiance en leur pays. Ce qui compte pour les gens d'ici c'est l'endroit ou ils sont nés, la commune, le canton, plus que la Suisse. Les Vaudois se sentent plus Vaudois que Suisses. Ils s'identifient plus a leur canton ou leur commune. La Suisse c'est quelque chose d'assez abstrait et on n'a pas beaucoup confiance en la Suisse, on y trouve beaucoup de défauts, c'est impressionnant.
Votre livre est assez calme dans son atmosphere, on sent la sérénité de la nature. Est-ce que cette atmosphere reflete la véritable Suisse tranquille?
C'était tout a fait involontaire. Mais c'est vrai qu'une des choses qu'on souhaite le plus en Suisse c'est la tranquillité. C'est pour ça qu'il y a des personnes connues qui viennent s'établir en Suisse, il n'y a personne qui leur court apres pour leur demander des autographes. Au contraire, tout le monde fait semblant de pas les connaître. Il y a par exemple un écrivain français tres connu, Christian Jacq, qui s'est établi en Suisse il y a 15 ans et les gens dans le village savaient tres bien qui il était mais personne ne venait lui dire "bravo" parce que les gens voulaient respecter sa tranquillité. Les gens agissent comme ça parce qu'eux meme ils ont envie de rester tranquilles, chez eux. D'un côté ça peut etre agréable, on ne klaxonne pas dans les villes, c'est silencieux, mais de l'autre côté c'est aussi bien de dire les choses, manifester ce qu'on pense.
Pensez vous que la littérature peut changer les gens?
Oui, c'est quand meme un moyen pour toucher les gens. Moi, je n'ai pas du tout voulu faire ce livre comme un manifeste féministe, je l'ai écris pour le plaisir d'écrire une histoire. Je voulais montrer quelque chose mais pas du tout dans l'idée de changer les gens. Mais un livre peut faire ça, c'est quelque chose qu'on assimile, le lecteur a un rapport intime avec le texte, et le livre peut vraiment passer un message. Finalement le livre a un pouvoir énorme. Le lecteur est emporté dans un univers, et il se laisse emmener, convaincre. Je crois qu'un bon livre change toujours le lecteur, aussi peu que ce soit, au moins il le fait réfléchir : il le fait entrer dans des personnages, donc dans de nouveaux points de vue sur les choses, il lui fait regarder autrement la vie.
Votre premier roman est publié chez Gallimard, une maison d'édition prestigieuse, et il a un succes énorme. Pour votre prochain travail, vous le considérer comme un obstacle ou plutôt comme une motivation?
Gallimard me stimule a donner le meilleur, a toujours etre a la hauteur. Mais le fait d'avoir publié, et ça peut etre dans n'importe quelle maison d'édition, me met la pression parce que je sais maintenant que ce que j'écris sera lu. Avant je ne le savais pas alors je me sentais completement libre en écrivant cette histoire, j'étais face a moi-meme. Maintenant il faut que je me persuade que je n'écris ce texte que pour moi, oublier le public, les éditeurs et écrire ce qui me fait plaisir.
Merci beaucoup pour l'entretien.
Noëlle Revaz et Hana Veselá a Lausanne, juin 2002